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Le problème avec les histoires de princesses

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Les enjeux féministes ou plus simplement (pour ceulleux qui sont allergiques au terme féminisme ) d’égalité des sexes sont au cœur de nombreux débats et je m’en réjouis. Les choses sont loin d’être gagnées mais l’on en parle de plus en plus et pas seulement par le biais d’associations spécialisées.  Je suis toujours un peu peinée de constater que certaines femmes sont carrément hostiles au sujet. Parce qu’elles sont les premières visées et impactées par la pensée et les politiques misogynes, il me semble logique qu’elles se réjouissent de cette vulgarisation des préoccupations féministes.

Mais ce que je sais aussi  c’est que l’on ne peut pas forcer des personnes à se battre pour changer le monde. Malheureusement certains conditionnements sont si puissants qu’il faut plus que des conversations argumentées et documentées pour en venir à bout.

Ces conditionnements naissent quasi exclusivement dans l’enfance, à une période où notre identité se construit et où notre cerveau est particulièrement perméable aux images et aux sons que nous percevons. Ne dit-on pas des enfants qu’ils sont des éponges ? Si j’avais le moindre doute à ce sujet, il a été complètement balayé le jour où j’ai entendu ma fille jouer en scandant avec beaucoup d’entrain le mot « enfoiré » (#OMG #WTF #badparenting ). L’un de mes jurons de prédilection. Pourtant j’étais persuadée de faire hyper gaffe à mon vocabulaire lorsqu’elle est dans les environs. En faisant mine de ne rien entendre pendant quelques jours  nous avons réussi à effacer ce vilain mot de son disque dur interne.

Mais quid du reste ?

Lorsque j’aborde la question du conditionnement j’ai toujours à l’esprit cette scène du film American Story X  (enfant de la télé mes références sont souvent plus cinématographiques qu’académiques. Pardonnez-moi.) dans laquelle Edward Norton emprisonné pour avoir sauvagement assassiné un homme noir, se demande comment il a pu en arriver là. Il se remémore alors ces années d’enfance durant lesquelles toute la famille était abreuvée des discours racistes et xénophobes servis par le patriarche du petit déjeuner au dîner. Les images stigmatisantes des médias à l’encontre des minorités et les clivages raciaux ont fait le reste.

C’est là où vous vous demandez le rapport avec les histoires de princesses, car-a priori -on ne finit pas en prison pour assassinat après une overdose de dessins animés Disney et de contes classiques. Pourtant les histoires de princesses dans leur grande majorité engendrent des conditionnements qui peuvent causer des dommages suffisamment préoccupants pour que l’on s’arrête deux secondes dessus.

Depuis que je suis maman j’ai redécouvert le monde des livres et des dessins animés pour enfants. A la maison nous privilégions le papier aux écrans, mais ma fille est déjà fan de quelques dessins animés populaires dans sa tranche d’âge. Je trouve que l’imaginaire que ces œuvres induisent et entretiennent est tout aussi important pour le développement des enfants que les apprentissages empiriques divers. J’aime cet équilibre entre l’imaginaire et le réel. Une sorte de réalité parallèle qui donne tout son charme à l’enfance. Jusqu’à ce que l’expression « monde des Bisounours » devienne un sarcasme.

Elle possède une petite collection constituée de livres et de dvd dont nous avons fait l’acquisition ou reçus à diverses occasions. C’est ainsi que j’ai sursauté à la lecture d’un livre de contes classiques dans lequel les histoires de princesses occupent une place prépondérante. Autant de sexisme ça n’était pas possible ! J’avais l’impression d’être face à une parodie. Pourtant je connais la plupart de ces contes depuis ma plus tendre enfance, même si je n’en ai jamais été une inconditionnelle. En ouvrant ce cadeau empoisonné bouquin je pensais naïvement que les choses avaient quelque peu évoluées-du moins je l’espérais- puisque depuis la couverture, les illustrations prenaient quelques libertés avec les traditionnels traits que l’on prête à ces personnages (j’en parle plus bas).

Point du tout. Ces contes dits « de fées » se résument encore pour bon  nombre d’entre eux (j’ai lu également des nouvelles de cet acabit dans des magazines pour enfant, pourtant pas dégueu en termes de représentations) à une jeune femme (accent mis sur sa beauté) immature, naïve et désespérée sur laquelle un beau jeune homme (Prince de son état car les gueux se contentent de seller les chevaux ) a daigné poser le regard. Elle en tombe immédiatement amoureuse, ce qui lui permet d’accéder à certains nombres d’avantages comme la liberté ou le mariage (envisagé déjà comme le plus grand des dessein pour une fille).

Est-il besoin de préciser que ces dits princes et princesses sont à quelques exceptions près d’une uniformité physique révoltante ?  La peau blanche, des grands yeux clairs et des cheveux raides qui tombent en cascades sur leurs frêles épaules.

A l’âge où les mômes commencent à interroger leur reflet dans le miroir, difficile pour une petite fille noire, une handicapée ou une asiatique de se figurer dans ce panel. Et ne me parlez pas des catastrophiques princesses labellisées « diversité » chez Disney. Si la firme a fait de gros efforts pour rompre avec la tradition sexiste décrite plus haut, en terme de représentation de la femme ( et de l’homme) dans toute sa diversité nous sommes encore loin du compte.

Qu’est ce que ça fait ? Cela donne des petites filles qui ne s’envisagent belles qu’avec des cheveux longs, une robe rose, sans lunettes, avec  10 kilos en moins et valides.

Des petites filles qui n’envisagent les rapports sociaux que sous le prisme de la séduction : je dois plaire à tout prix pour être choisie/validée, peu importe ce qu’il en coute, car je n’existe que par le regard de l’autre, de sexe opposé.

Des petites filles qui inconsciemment intègrent le message qu’elles sont vulnérables, pas aussi fortes que les petits mecs à qui elle devront leur statut social ou leur situation . C’est ce qu’on appelle le déterminisme de genre et c’est tragique.

Ma mère me confiait récemment que l’une de ses plus grande fierté était d’avoir réussi à élever quatre filles qui se débrouillent pas trop mal dans la vie, alors que la société dans laquelle elle a grandi lui a enseigné qu’avoir des filles ça comptait pour du beurre. En grandissant je l’ai souvent vue tenir tête aux mâles dominants (mon éveil au féminisme vient de là), pourtant elle n’a pas pu s’empêcher de tomber malgré elle dans certains pièges du patriarcat. Le conditionnement est un truc beaucoup plus vicieux qu’on ne le pense.

Oui c’est le problème avec les histoires de princesses. Elles peuvent en quelques images, grâce à leur puissance évocatrice saper tout le travail d’estime de soi que vous vous efforcez de mettre en place pour vos petits.

Je parle ici essentiellement de petite fille parce que j’en fus une et j’en ai une, mais ne pensez pas que ces ces messages subliminaux n’ont aucun impact sur les garçons.

« Notre façon d’éduquer les garçons les dessert énormément. Nous réprimons leur humanité. Notre définition de la virilité est très restreinte. La virilité est une cage exiguë, rigide, et nous y enfermons les garçons. Nous apprenons aux garçons à redouter la peur, la faiblesse, la vulnérabilité « . Chimamanda Ngozi Adichie, Nous sommes tous des féministes.

En somme enseigner l’égalité Hommes-Femmes et le droit d’être qui l’on veut, indépendamment de son genre c’est bénéfique pour tous.

En matière de non déterminisme de genre nous n’avions pas vraiment de soucis à nous faire car nous fournissons à notre fille une image qui est tout sauf stéréotypée. Papa passe beaucoup plus l’aspirateur que maman et c’est pareil pour la vaisselle et les courses. Pour la cuisine c’est chacun selon ses envies et le temps qu’il peut y consacrer…Et j’arpente toujours avec amusement les rayons  » vêtements garçons » des boutiques  pour enfant parce que c’est là où je trouve quelque soit la saison du bleu marine, du rouge et du kaki. Malheureusement pour moi ma fille déclare n’aimer que le rose, le violet et les tutus.  Je ne m’en formalise pas (mais je résiste ). La formation de la personnalité est quelque chose de complexe et de mouvant. Puis nous ne vivons pas en vase clos. Dans quelques mois elle ira à l’école et je sais d’avance, que les cours de récré et même certains manuels scolaires (!) charrient leur lot de stéréotypes bien costauds.

Être vigilants et travailler encore et toujours à déconstruire (en proposant notamment des alternatives tout aussi divertissantes pour nos bambins) ces images est du devoir de tout un chacun.

Par

6 Commentaires

  • Jennyfer

    Un billet intelligent et TELLEMENT vrai, tristement. Tes mots font réfléchir !

    17 juin 2016 at 9 09 48 06486 Répondre
    • D.

      Tristement vrai en effet. Et encore je ne parle pas de l’aspect révisionniste de certaines de ces histoires…

      17 juin 2016 at 22 10 55 06556 Répondre
  • Best of D. - Non ma fille, tes cheveux ne sont pas un problème !

    […] on se représente à travers son environnement, mais également à travers les livres ( notamment les contes que je trie de manière drastique), les dessins animés et les jouets. Même si les choses tendent […]

    18 mai 2017 at 23 11 39 05395 Répondre
  • Non ma fille, tes cheveux crépus ne sont pas un problème! - MEDIAVOR

    […] on se représente à travers son environnement, mais également à travers les livres (notamment les contes que je trie de manière drastique), les dessins animés et les jouets. Même si les choses tendent […]

    22 mai 2017 at 13 01 23 05235 Répondre
  • Best of D. - Une poupée, une boîte à musique et un livre engagés pour nos enfants

    […] déjà dans ce billet l’importance des représentations diverses pour les jouets de nos enfants et […]

    22 juin 2017 at 1 01 05 06056 Répondre
  • durand Valérie

    Bonjour, je visite cette page à partir d’un article sur les remarques concernant les cheveux des petites filles noires ou métisses. Je suis en contact avec des enfants (instit en maternelle) et je constate en effet une forme de « complexe » des petites filles qui portent des tresses par rapport aux autres fillettes qui ont des cheveux lisses ou bouclés. Les critères de beauté des cheveux sont déjà établis même pour des enfants de 5 ans! je me permets de vous signaler la parution d’un livre sur ce sujet, je ne l’ai pas encore feuilleté mais il me semble vraiment illustrer cette situation : » Comme un million de papillon noirs » Laura Nsafou et Barbara Brun.https://fr.ulule.com/les-papillons-noirs/ Cordialement

    25 juillet 2017 at 22 10 52 07527 Répondre
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