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Les impatientes, le roman à succès de Djaïli Amadou Amal

 

J’ai débuté l’année avec Les impatientes, le roman à succès de Djaïli Amadou Amal. Le barbu m’avait offert le livre pour mon anniversaire et il avait rejoint ma pile à lire sans que je n’en lise le résumé. J’étais complètement passée à côté du « phénomène » littéraire, de sa consécration par la presse et même du fait qu’il figurait parmi les lauréats du prix Goncourt 2020. Il était néanmoins sur le haut de ma pile parce que je sais que le barbu selectionne avec soin les livres qu’ils m’offre. Il connaît bien mes goûts et mon attrait pour les lectures engagées.

Ce livre m’a fait vivre un véritable ascenseur émotionnel : entre suspens, rage, colère, indignation, empathie, espoir aussi…

Les impatientes ce sont les destins croisés de Ramla, Hindou et Safira. Trois femmes de la tribu Peul de Maroua au nord du Cameroun. La vie de ces femmes va être bouleversée par la culture du mariage forcé et de la polygamie.

Des adolescentes mariées contre leur gré à des hommes qui ont parfois l’âge d’être leur père et qui dans certains cas les ont vu grandir. C’est le cas de Ramla. Celle qui rêvant d’être pharmacienne est brutalement arrachée des bancs de l’école. À quoi bon continuer ses études lorsque l’homme le plus riche de la ville exige votre main ? C’est la question que lui pose sa demi-sœur Hindou qui elle est promise à son cousin drogué et alcoolique.

De son côté Safira est la première épouse, la « daada-saaré » celle qui voit sa position menacée par l’arrivée de la jeune Ramla : plus jeune, plus « claire », plus instruite qu’elle. Une concurrence inattendue qui la rendra diabolique.

Alors quelles vivent simultanément des violences physiques (coups, viol) et psychologiques (insultes, humiliations et privations), on demande à ces femmes de trouver du réconfort dans le munyal. Ce terme qui signifie « patience » est répété inlassablement par les mamans, les papas, les oncles et les tantes qui se veulent gardiens et gardiennent de la tradition. Il en va de l’honneur de toute une famille. La femme n’existe que dans la mesure où elle est au service de l’homme. Pour assouvir ses penchants sexuels, lui donner une progéniture dont elle devra s’occuper…Les femmes sont également une main d’oeuvre qui permet de faire fonctionner le foyer. Une vie rythmée par les obligations, les responsabilités et les interdits.

Les scènes de la vie quotidienne sont décrites avec beaucoup de précisions et l’on en apprend beaucoup sur la manière de vivre de ces foyers polygames dans la culture Peul et musulmane du Nord Cameroun. L’auteure s’est inspirée en partie de sa propre vie, ce qui confère une certaine intensité à chacun des récits . Comme Ramla, Hindou et Safira, Djaïli Amadou Amal a été mariée contre son gré à l’âge de 17 ans.

J’ai trouvé vraiment intéressante la manière dont l’auteure decrit la psychologie de chaque personnage. On mesure ainsi l’ampleur du drame de la condition de ces femmes, dont seule la mort ou la fugue semblent être l’issue.

C’est un roman dur car les violences subies par ces femmes sont nombreuses et répétées. Mais il est comme une lanterne dans la nuit car il apporte une critique appuyée de cet ordre établi que personne ne semble pouvoir remettre en question.

Les femmes sont soumises parce qu’elles y sont contraintes par des lignées d’hommes soudés. Ce n’est pas leur genre qui les destine à la soumission et si certaines personnes en doutaient encore, avec ce roman pas de doute : il n’y a point de bonheur et aucun épanouissement possible dans la soumission. Avec ce livre Djaïli Amadou Amal, dont c’est le second roman, se fiât ainsi la voix des sans voix.

Le roman édité originellement en Afrique sous le titre original Munyal, les larmes de la patience reçoit le prix Orange du livre d’Afrique en 2019. À cette occasion il est repéré par les éditions Emmanuelle Collas, qui décide de l’éditer en France dans une version adaptée, sous le titre Les Impatientes.

Le roman connait alors la trajectoire qu’on lui connaît actuellement et le succès critique auquel je souscris totalement. Il a remporté le prix Goncourt des lycéens 2020.

Ce livre m’a fait découvrir Djaïli Amadou Amal et donné envie de lire son premier livre. Elle fait désormais partie (à l’instar de la nigériane Chimamanda Ngozi Adichie) des voix littéraire féministes d’Afrique, qui résonnent au delà des frontières de leur pays respectifs. Et ça fait du bien.

 

Les impatientes, Djaïli Amadou Amal, éditions Emmanuelle Collas, septembre 2020.

Disponible sur Amazon ici 

 

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