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Journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire : agir avant qu’il ne soit trop tard

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Le 8 novembre est une journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire. Depuis 2015 tous les ans à la même période, les associations, les médias et la société civile se mettent en marche pour lutter contre le harcèlement scolaire. Un sujet qui me touche particulièrement, parce que je suis maman de deux enfants, mais aussi parce que moi aussi j’ai subi le harcèlement scolaire.

Nous sommes en 1993, j’ai 14 ans. Je viens d’arriver dans ce collège huppé de la capitale. Tout est nouveau pour moi, j’ai grandi en banlieue parisienne, je ne sais pas comment vivent les jeunes ici au Cameroun. Je n’ai clairement pas les codes. J’essaie de me faire discrète, observer, me fondre dans la masse …Mais je suis grillée au premier contrôle de géographie. Je suis incapable de répondre à la moitié des questions portant sur le Cameroun et au moment de rendre les copies, le prof me demande d’où je viens. C’est à ce moment qu’un groupe de filles populaires me remarque. La cheffe de la bande souhaite que j’intègre leur groupe élitiste. Pour cela je dois changer de place et ne plus adresser la parole à ma voisine qui vient d’un milieu populaire. Je refuse bien entendu. Je n’ai pas été élevée comme ça et je me sens bien aux côtés de cette fille qui m’est très sympathique. La cheffe de bande prend mon refus comme un affront. Je sape son autorité, je snobe celle avec qui tout le monde veut traîner et pour elle c’est inaceptable. Je prise en grippe par le groupe et devient la personne à qui il ne faut pas adresser la parole. Je suis traitée de menteuse (« qui sait si elle vient réellement de France »), de nulle (car le niveau scolaire ici est beaucoup plus élevé et j’ai des difficultés dans certaines matières), de moche et j’en passe…On envoie des garçons me faire la cours pour mieux me rejeter ou pour me faire une réputation de fille légère, mais je ne cède pas. Je les voient venir à 1000 km et je les ignore. Ma seule amie compatit, mais ne peut pas faire grand-chose. Elles sont tellement hargneuses à mon égard que j’ai même peur qu’elles s’en prennent physiquement à moi. Et puis j’ai entendu des histoires  (impliquant des actes sexuels avec des garçons pour rester « dans le coup » ) au sujet de ces filles, qui font froid dans le dos . Bref j’ai 14 ans et je suis victime de harcèlement scolaire. Le problème c’est que tout le monde semble trouver ces pratiques normales. Chaque fois que j’essaie d’en parler à un adulte, on me conseille de laisser couler, que ça va se tasser…Mes résultats scolaires sont en chute libre. Lorsque je suis au collège je rêve d’être chez moi, le nez dans mes livres, dans ma chambre à écouter de la musique…Comme j’ai un caractère assez fort, devant ces filles je n’affiche rien. Je sais aussi que le fait qu’elles imaginent mes parents hauts placés me protège dans une certaine mesure. A la fin de l’année le bilan est catastrophique. Ma mère plaide le temps d’adaptation, pour que l’on me laisse passer en classe supérieure. Je la supplie de me changer d’établissement. Elle accepte et j’échappe à cette atmosphère malfaisante. Changement d’école, de lieu, d’ambiance et tout va bien. Je suis de nouveau légère, heureuse d’aller à l’école, j’ai de bons résultats, et des amitiés saines et sincères.

J’ai vécu un épisode de harcèlement scolaire. J’ai été tentée d’écrire « petit » devant épisode, mais en vérité l’issue aurait pu être tragique. J’aurais pu faire des choses que je ne souhaitais pas ou en subir, juste pour que l’on me fiche la paix.

J’ai juste eu de la chance. On ne peut pas en dire autant de Jonathan Destin, un lycéen de Marquette-les-Lille qui a passé deux ans à l’hopital après s’être immolé par le feu en 2011. A 16 ans il avait tenté de mettre fin à ses jours, après des années de harcèlement scolaire (il a été harcelé depuis l’âge de 10 ans). Aujourd’hui à 23 ans Jonathan poursuit sa reconstruction physique (Il a subi 17 opérations et plusieurs cures thermales) et psychologique et est devenu une figure de proue de la lutte contre le harcelement scolaire.

En 2013 Jonathan Destin raconte son calvaire dans le livre « Condamné à me tuer ». Aujourd’hui il reprend la parole suite à la diffusion sur TF1 du téléfilm « Le jour où j’ai brûlé mon cœur ».

L’histoire de Jonathan a ému la France entière, parce qu’elle est la partie visible de l’iceberg des violences scolaires. Jonathan a survécu, mais de nombreuses famille ont dû enterrer des enfants qu’ils n’ont pas pu sauver, parce que personne n’a vu. Ou personne n’a voulu voir…

Et pourtant aujourd’hui deux enfants sur dix sont victimes de harcèlement scolaire des l’âge de 7ans. Des chiffres confirmés par le dernier rapport de l’UNICEF suite à sa 4econsultation nationale auprès des 6-18 ans.

Dans le téléfilm consacré à l’histoire de Jonathan Destin, le principal adjoint de son établissement déclare qu’à l’époque le terme « Harcelement » était très peu utilisé. Ce qui a pu contribuer à ce que l’adolescent ne parvienne pas à mettre un mot sur ce qu’il vivait, mais aussi à ce que les adultes minimisent des faits emportent aujourd’hui une véritable qualification pénale.

Nommer les choses, c’est tellement important. Lorsque l’on est incapable de mettre des mots sur ce qui nous arrive, c’est beaucoup lus facile d’en parler, et surtout on se sent légitime, puisqu’un terme existe pour désigner ce que l’on subit.

Il y a quelques mois je me suis surprise à dire à ma fille de 5 ans d’arrêter de harceler sa petite sœur de deux ans. Elle m’a demandé ce que signifiait le terme « harceler ». Je lui ai alors expliqué que le fait de tournoyer ainsi autour de sa sœur et de la chahuter alors que cette dernière lui ait dit non à plusieurs reprises était constitutif de harcèlement. Que ce n’était pas drôle et que surtout pour jouer il fallait que tout le monde soit d’accord. Elle n’a pas insisté et je sais que tout cela va venir se loger dans sa petite tête et cheminer tranquillement. Je serai là pour y veiller.

Je n’ai jamais entendu le terme harcèlement avant l’âge adulte. Et le vocable harcelement scolaire est tout aussi récent.

Jonathan parle quant à lui du fait que son père était un homme fort, qui lui disait avoir toujours su se défendre lorsqu’il était plus jeune. Jonathan ne voulait pas passer pour « faible » aux yeux de son père et avait honte de lui dire qu’il ne savait pas et ne pouvait pas se défendre. Combien de garçons ont entendu « tu es grand, tu es costaux », « ne pleure pas », « sois un homme ». Combien de femmes ais-je entendu dire « C’est un garçon tu comprends c’est normal qu’il soit turbulent »…Autant d’injonctions à exprimer ou excuser une masculinité qui devient rapidement toxique. C’est la même chose du côté des harceleurs, qui sont pour la majorité des garçons. Certains suivent le groupe, se moquent parce que tout le monde le fait et parce que ça fait « bonhomme » de brutaliser les autres, de proférer des insultes à caractère homophobe, ou d’humilier les filles.

Concernant les filles, le rapport de l’UNICEF révèle qu’elles sont deux fois plus harcelées que les garçons. Que ce soit sur internet, dans les transports en commun ou à l’école. Une fille sur 10 déclare avoir subi une forme d’insulte ou de harcèlement dans l’espace public.

Il est important que nous communiquions avec nos enfants afin que nous ne passions pas à côté des souffrances qu’ils ou elles peuvent vivre au quotidien.

Apprendre aux enfants à exprimer leurs émotions, les écouter, toujours et ne pas penser qu’en prêtant l’oreille à leur « petites »histoires d’école c’est en faire des faibles qui passeront leur temps à pleurnicher.

Écouter un enfant qui se plaint d’être chahuté à l’école, intervenir auprès des encadrants ainsi que des parents d’élèves concernés c’est dire à nos enfants qu’ils ont le droit de se plaindre. Qu’aucune forme de violence n’est légitime, même si elle n’est que verbale.

Nous avons aussi la responsabilité en tant que parent de surveiller notre langage. Les enfants sont des éponges et ils reproduisent bien souvent à l’école ce qu’ils entendent ou vivent à la maison. Si vous êtes violents envers votre enfant, ne soyez pas surpris qu’il considère la violence comme un moyen de communication comme un autre. Que le chantage soit un moyen comme un autre d’obtenir ce qu’il souhaite. Tout cela ne fait que renforcer la nécessité d’élever nos enfants dans la bienveillance. Bienveillance vis-à-vis d’ eux-mêmes, mais également envers les autres.

Internet a complètement modifié notre manière d’échanger. Si nous adultes avons encore quelques réserves, du côté des ados, tout est permis. Il y a aujourd’hui peu de limites et de gardes fou sur ce que l’on peut dire ou faire sur la toile. La maison n’est plus le refuge qu’il était pour des personnes harcelées à l’école. Les insultes, et les photos dégradantes se partagent désormais à travers les réseaux sociaux et les services de messagerie automatiques. Le Cyber harcèlement se fait de plus en plus pervers et cruel. Des adolescentes qui ont eu le malheur de faire confiance y sont victime de Revenge Porn et cachés derrières leurs écrans les harceleurs sont particulièrement actifs et vicieux.

Je n’ai pas de solution toute faite pour éviter ou répondre à une situation de harcèlement que pourrais subir votre enfant. Mais ce que je sais c’est qu’un enfant ne doit jamais avoir peur de parler à ses parents.

Fort heureusement, depuis 2015, les ressources pour aborder le sujet avec les jeunes se sont multipliées. Je vous recommande vivement de le faire avec vos enfants ados, sans attendre qu’ils ou elles soient victimes. Ils ou elles pourraient être témoins ou même auteurs de faits constitutifs de harcèlement.

Les ressources 

A lire :

Le site Babelio a dressé une liste de livres qui traitent du harcèlement scolaire, à consulter ici

A voir :

Sur Netflix 

13 Reasons Why (série)

A Girl like Her ( série)

Audrie et Daisy (série)

The Mask you Live In ( documentaire)

Miss Representation ( documentaire)

Films français :

Respire

Bouboule

Quand on a 17 ans

Marion 13 ans pour toujours

Accéder au rapport de l’UNICEF : ici

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